Ce sont des lignes de mémoire. Des lignes traversées par les vivants et les morts. Des lignes « d’exilés ». Des lignes d’amour.
Il y a une date. Celle du 7 octobre 2023.
Et Carole Zalberg a regardé son père qui oubliait et qui s’en allait de plus en plus dans un ailleurs…et « Marie » embarque sur les traces d’Ella, sa lointaine cousine, partie se réfugier à Buenos Aires en 1942.
Et elle, qui en 2018 avait écrit «Où vivre» (Grasset), a décidé de savoir plus encore sur l’autre branche de la famille. La *Branche argentine*.
« Peut-on reconstruire sa vie, sur des ruines ? Que fait-on des fantômes qui nous habitent ? »
Un roman bouleversant comme tous les romans de Carole Zalberg. Un roman tissé de mémoire, d’exil mais aussi du questionnement permanent de ceux qui regardant en arrière se brûlent les yeux et qui en regardant devant sont pris d’un terrible vertige.
Il y a pour moi une grande émotion à parler aujourd’hui de *La Branche argentine*.
Car c’est un 4 octobre 2018 que j’avais chroniqué *Où vivre* (Grasset) et dedans ces mots :
« Et je te dirai, Anna, ma mère, que ta sœur et toi n’avez jamais été séparées, que nous tous, finalement, sur nos radeaux entraînés par le courant, vivons les heurts, malheurs et beautés d’une seule et même vie, enracinée dans la perte et tendue vers l’embellie »
Et aujourd’hui ces autres mots dans *La Branche argentine* :
« Elle se relèvera. Bien sûr qu’elle se relèvera. Comme tant d’autres pourtant écrasés de chagrin. Mais quiconque l’a côtoyée ne reconnaîtra pas celle qu’elle est devenue, femme à peine vive, femme foudroyée et rétrécie que le présent désormais indiffère.»
Et Carole Zalberg continue et continuera d’écrire sur les siens, sur le terrible des trajectoires parfois, sur l’exil qui n’est pas la terre, mais surtout cette part de soi qu’il faut « réparer » à chaque fois.
Elle porte en elle les brûlures de l’Histoire et le besoin d’horizon…et puis, il y a la Branche Corse.
La Corse, « si généreuse en ciels splendides et changeants, ce lieu où entre tous, « Marie » vole des parenthèses de sérénité. La terre de Corse l’ancre sans l’entraver »
Depuis l’écriture de ce roman, le père tant aimé est parti pour toujours. Mais Carole Zalberg veille. Elle veille à ne rien oublier ou laisser oublier.
Et puis dans sa famille, il y a son oncle d’Israël, lui aussi parti trop tôt. Il « faisait écouter du Bach à ses roses. Elles lui étaient reconnaissantes. À en croire leur splendeur… »
Ce roman, je l’ai lu la main sur le cœur. Il y a tant dans les Branches familiales de Carole Zalberg que je retrouve un peu dans les miennes.
Peut-être cet éparpillé de par le monde.
Peut-être aussi cette splendide odeur de roses…
J’oubliais de dire la magnifique écriture de Carole Zalberg. Poétique et sonore. Les lignes se « serrent », se « desserrent » selon le rivage. Selon les souvenirs. Selon l’émotion.
Carole Zalberg, *La Branche argentine*, Éditions Le Soir Venu