*Voyage avec Zoë Lund* ou écrire sur la « ligne »…
*Voyage avec Zoë Lund* (Lanskine Editionsé) s’ouvre sur comme un monologue. Véronique Bergen l’autrice, écrit/parle comme pour elle-même. Mais c’est un plan en double page. Et nous voyons sur la page de droite une jeune femme assise qui lit.
C’est Zoë Lund. La photo est ancienne. Zoë lisait en fait le scénario de Richard Hell, Meet Theresa Stern (octobre 1998)
Mais nous oublions ce que lit Zoë Lund. Et elle semble lire ce qu’écrit Véronique Bergen. Celle qui vite passe au tutoiement :
« Zoë, tu agis sur moi, comme un aimant, comme un double. Te voir, c’est me voir »
Et nous comprenons que nous n’assistons pas à une biographie. Ni à une fiction.
Deux jeunes femmes qui se ressemblent sont face à face. Le temps est aboli.
L’une, Zoë Lund est morte à 37 ans d’une overdose. Elle a passé sa vie en nomade, dans l’excès, les veines traversées de feu, mais aussi d’un talent infini. Talentueuse et Incandescente jusqu’à l’implosion.
Zoë Lund, née Tamerlis, ange noir des films d’Abel Ferrara a été également scénariste, compositrice, musicienne, auteure, mannequin, activiste et surtout « junkie ».
L’autre, Véronique Bergen, est philosophe, romancière, poétesse. Elle a décidé d’écrire face à face avec cet ange noir qui a brulé sa vie. Elle décide par l’écriture de lui parler à l’infini.
Au début, nous ne comprenons pas vraiment pourquoi, mais c’est parce-que nous avons lu trop vite.
Véronique Bergen l’annonce d’emblée pourtant :
« Zoë tu agis sur moi comme un aimant, comme un double. Te voir, c’est me voir »
Et nous n’avons plus de doute sur le face à face, sur ce « tu », sur la beauté de l’écriture de Véronique Bergen qui vient faire baume sur les déchirures assumées de Lund :
« Tu vouas un culte au rituel du shoot avec un jusqu’au boutisme flamboyant ».
Ce que veut nous dire Véronique Bergen est grave, plus grave encore.
En fait Bergen nous dit que Zoë Lund n’a jamais rien négocié. Avec personne. Même pas avec elle-même.
*Voyage avec Zoë Lund* est un livre rare. Nous croyons lire sur Zoë Lund, mais la véritable héroïne du livre est Véronique Bergen.
Elle parle d’elle quand elle parle de Zoë. Elle a ses propres volutes qui ne sont pas des drogues.
Et dedans des images qui la vrillent… celle de l’enfance, celles de la mère.
Elle a besoin d’une confidente, qui puisse comprendre, qui puisse ne pas juger son vertige, ses mots absinthe, sa propre mise en abime, sa polyphonie, son nomadisme.
Elle a besoin des lignes de l’écriture pour parler d’elle Véronique Bergen.
Elle avait écrit dans * Ecume * :
« L’écriture doit créer, réinventer à chaque coup sa liberté »
Et avant que l’ombre ne reprenne le territoire dans *Voyage avec Zoë Lund *, nous trouvons à la fin du livre comme un jeter de quelques poèmes déjà enveloppés de brume : ce sont ceux de Zoë Lund.
Il faut les lire pour comprendre combien elle ne négocie jamais « Zoë ».
Et encore sous l’émotion de notre lecture, cette dernière photo de Zoë Lund. Elle est comme une suite à la première photo où elle lisait.
Dans celle-ci, Zoë Lund semble debout. Pensive, peut-être inquiète. La main sur la bouche, elle regarde quelque chose ou écoute encore quelqu’un…peut-être Véronique Bergen qui reprend ce que nous n’avons pas complétement dévoilé au début :
« Je ris de me raccrocher à une noyée, à une visiteuse des régions obscures, de bourrer mon panthéon d’intercesseurs de figures tragiques, de junkies fantasques, de vagabondes flirtant avec l’abîme, grands inadaptés de l’existence qui me renvoient à ma mère si peu à l’aise avec ce qu’on appelle la vie… »
Une histoire personnelle s’est tissée dans « l’impersonnel » d’une autre histoire…
Et nous comprenons mieux ce qui fascine tellement Véronique Bergen, ce qui la fascine jusqu’à s’en brûler les yeux !
Véronique Bergen, *Voyage avec Zoë Lund*, éditions LansKine (2025)
« Traduction des poèmes de Zoë Lund par les éditeurs aidés de @ClaroClaro »
Photo de couverture, Zoë Lund photographiée par son époux Robert Lun