*ROSA* ou le trille fragile des mésanges 

On ouvre ce livre comme on entrouvre une porte de cellule.

En rouge sang le titre : *Rosa*

Et nous comprenons que la coulée rouge est tissage entre  deux femmes. Rosa Luxemburg assassinée en 1919 et Denise le Dantec, cette immense poétesse qui a fait de la nature,  des « éléments » de communication, de philosophie, de poésie.

Nous sommes en 2025. Denise Le Dantec entrouvre plus encore la porte de la cellule de Rosa. 

Et nous retrouvons Rosa dans sa cellule. Nous retrouvons le froid, la neige, la solitude. Et les mots intacts de Rosa :

– Malgré la neige, le froid et la solitude, nous croyons, les mésanges et moi, au printemps à venir ! 

Denise Le Dantec dessine des « dédales » de textes, elle pose des dates. Elle relève chaque souffle, chaque chant, chaque instant de résistance de Rosa Luxemburg. 

Elle nous emmène à la fenêtre. Il y a des barreaux. Mais on peut entendre les oiseaux.

Et puis, Denise est une « druidesse », elle sait que l’autre dans son ailleurs, peut l’entendre :

-Tu es à l’écoute du multiple…

Le multiple…le trille d’une mésange, la vibration de l’air, la respiration de l’Histoire. 

Et Rosa répond : 

– tsvi, tsvi, tsvi…Le printemps va venir…

Et c’est exactement  là que se loge la force de Rosa, sa force alors et encore aujourd’hui .

Elle est dans ce trille minuscule, dans cette note qui fait frissonner la page, dans ce souffle que rien ne peut étouffer. Elle est dans le tsvi, tsvi, tsvi des mésanges :

– Tsvi, tsvi, tsvi… ne pas céder. Ne pas plier. Croire au printemps, même quand tout est gelé…

*ROSA* n’est pas un livre hommage.

C’est un champ de résistance. Denise Le Dantec convoque le vent glacial qui gémit en ce terrible 15 janvier 1919. Il fait tomber les oiseaux. Il fait frémir l’eau de la rivière à Berlin. La neige s’enroule en tourbillon, les constellations sont en noir. Et puis Denise Le Dantec convoque Goethe, Hörderlin, Brecht et tant d’autres…Ils n’ont pas tous connu Rosa Luxemburg bien sûr. Mais le chant de résistance, la part de non capitulation, l’infiniment petit qui fait vivre, ils savent. Et puis, Rosa va mourir… Rosa est morte… mais Rosa va revenir…avec le « tsvi, tsvi, tsvi » des mésanges.

– C’est le chant des mésanges charbonnières que j’imite si bien qu’elles accourent aussitôt. Et figurez-vous que dans ce « tsvi-tsvi » qui, jusque-là, fusait clair et fin comme une aiguille d’acier, il y a depuis quelques jours un tout petit trille, une minuscule note de poitrine. Et savez-vous, Mademoiselle Jacob, ce que cela signifie ? C’est le premier léger mouvement du printemps qui arrive. Malgré la neige, le froid et la solitude, nous croyons – les mésanges et moi – au printemps à venir !

Rosa Luxemburg

Et nous comprenons, « qu’au-delà du carnage » des jours, il suffit d’ouvrir *Rosa* et d’entendre 

« tsvi tsvi tsvi », pour croire encore au printemps à venir 

Denise Le Dantec, *Rosa*, Les presses du réel

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