Chroniques

*Les gardiens du geste*

« Lorsqu’une charpente est achevée, les charpentiers ont la très belle tradition de poser un bouquet sur le faîtage. Composé de branches de la même essence que le bois utilisé pour construire la charpente, le bouquet est notre façon de remercier les arbres qui ont donné leur vie pour qu’on puisse bâtir.

Le 8 mars 2024, on a posé un bouquet au sommet de la nef de Notre-Dame de Paris, pour la première fois depuis 1220. C’était pour moi le point culminant d’une aventure. »

Hank Silver – Charpentier

Et puis, cette phrase :  » Charpentier mène à tout. L’un d’eux, il y a longtemps, fut même le père du Fils de Dieu… »

«Laurence Bost est la seule artiste à avoir été accréditée par l’Établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame pour peindre les artisans au travail. A travers ses toiles lumineuses, elle rend compte de la précision, de la maîtrise et de la virtuosité des gestes séculaires dont ils sont les gardiens. »

J’ai découvert dans *Les gardiens du geste*, des œuvriers.

J’ai découvert le geste de chacun complémentaire du geste de l’autre. Des bâtisseurs. La réalité et la métaphore  d’une première pierre, d’un premier geste, qui s’ajoutent les uns aux autres. Une chorégraphie impressionnante, émouvante.

Peindre *Les gardiens du geste*, c’est laisser voir l’effort des muscles, l’importance de la main, l’acuité du regard, les corps en mouvement, les vaisseaux du cœur à l’œuvre…

C’est aussi peindre le silence dans le bruit des matériaux.

Notre-Dame de Paris en feu, Notre- Dame de Paris en cendres, puis Notre- Dame de Paris en beauté, en majesté.

Et tous ces métiers en chœur pour réparer, mais réparer pour retrouver la lumière et le sacré des lieux.

Et çà et là dans le livre, une réflexion, des mots, un sens :

« Faire revenir des choses à soi, conserver est révolutionnaire » 

« Orner n’est pas une perte de temps, mais une révérence à l’espace »

Et nous apprenons également les métiers de ces bâtisseurs. Ainsi le métier de rentrayeur : 

– Il répare les déchirures dans les étoffes. Pour cela, il joint bord à bord deux morceaux par une couture invisible. Il peut également refaire la trame ou la chaîne d’une tapisserie endommagée.

Avec des textes d’Adélaïde De Clermont-Tonnerre, de Franz-Olivier Giesbert, de Sylvain Tesson, de Bertrand Vergely nous traversons le Temps, le chantier,  depuis l’incendie à la « résurrection ».  

Le mot « résurrection » trouve son origine dans le latin resurrectio, dérivé du verbe resurgere, qui signifie littéralement « se relever, se redresser ».

Et *Les gardiens du geste, sur le chantier de Notre-Dame de Paris* est une formidable fresque de la résurrection de Notre-Dame de Paris.

Laurence Bost avec ses peintures, ses portraits de chaque métier, de chaque geste est certainement de ces merveilleux  *Gardiens du geste*. 

Et je ne saurai terminer sans évoquer l’humilité de ce tailleur de pierre qui confie :  » C’est une fierté de retrouver, d’une certaine manière, l’esprit du Moyen âge. D’être capable de faire aussi bien qu’eux « 

Laurence Bost, *Les gardiens du geste*, Editions Gallimard (Collection livres d’art)

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