Chroniques

*La collision*

« Fait divers » est un mot terrible. Il aseptise une tragédie.   

La collision, c’est l’histoire de la trajectoire d’une balle perdue… mais ici ce n’est pas une balle perdue… c’est une collision…

En 2012, la mère de Paul Gasnier est percutée à Lyon par un très jeune homme  en moto cross. Il faisait du rodéo urbain à 80km/h. C’était le matin. Sa mère allait à son atelier pour donner son cours de yoga. Lyon, c’est le hasard d’un poste proposé au père de Gasnier. 

La collision ou l’histoire de la trajectoire d’une balle perdue 

Dix ans plus tard, le fils devenu journaliste remonte le fil : non pas pour disculper, mais pour comprendre. Ce qui « n’est ni un meurtre ni un assassinat… » malgré le terrible qui s’en est suivi.

Comprendre « Saïd », sa délinquance, son dérapage, sa « folie » pour ne pas penser un instant à la dangerosité de son acte.

Comprendre à quel moment les filets sociaux ont cessé de se tendre, quand la République a décidé de laisser tomber les « quartiers, les zones, la banlieue ».

Et puis la responsabilité des politiques. Au discours qui chauffe à blanc des salles entières en scandant des « mots offenses ». Eux aussi sont dans une forme de rodéo urbain, totalement déconnectés de ce qu’ils peuvent provoquer.

Et toujours récupérer la tragédie du fait divers. C’est le fond de commerce de toute campagne politique…

Gasnier écrit sobre, lumineux, sans un gramme de pathos. Il refuse les caricatures, démonte l’instrumentalisation politique du tragique, et restitue dans la même phrase une tendresse infinie pour sa mère et une lucidité glacée sur le réel.

Et puis le destin… sa mère qui avait couru le monde lointain pour venir mourir à Lyon. En pleine ville. Un matin.

Chaque page « pèse ». Celles du procès sont bouleversantes. Un direct de la réalité. Les familles sont là. Chacune dans sa tragédie. Les avocats, la Cour et « Said »…

*La Collision*, c’est le choc frontal  entre deux destins qui n’auraient jamais dû se croiser. Collision entre deux France qui s’ignorent. Collision enfin entre l’intime et le politique.

Paul Gasnier écrit :

« La violence qui a frappé ma famille possède une généalogie, qui nous raconte collectivement. Elle a été commise par un jeune garçon dont la dérive est le produit d’une époque où les filets de la société n’accrochent plus, ne rattrapent plus, et où l’obsession de soi permet tout. »

Certains trouveront excessif tout cela. Certains auront déjà une opinion sur le livre. 

Surtout ceux qui ne l’auront pas  lu…

Mais la maman de Paul Gasnier est morte. 

En exergue, avant d’entrer dans l’histoire, on peut lire ces mots de Paul Valéry :

« Les morts n’ont plus que les vivants pour ressource ».

Paul Gasnier, *La collision*, Editions Gallimard.

Paul Gasnier est journaliste. *La collision* est son premier roman.

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