Chroniques

*Cendrillon, c’est moi !*

Qu’aurait-elle à nous dire encore Cendrillon ?

Il m’arrive souvent de reprendre un livre. Surtout quand le personnage principal me semble familier. Il y a comme une alerte… 

Ai-je vraiment bien lu, ai-je tout « entendu » ? N’ai-je pas cédé, inconsciemment, à une certaine facilité ?  

Et le personnage de Cendrillon fait partie de ceux qui nous semblent familiers… 

Nous l’avons fréquenté depuis l’enfance, dans tous les récits, sous tous les prismes, dans toutes les versions…jusqu’à *Cendrillon, c’est moi*… Qu’aurait-elle à nous dire encore Cendrillon ? 

Cendrillon, c’est l’histoire du seuil ! C’est le moment juste avant que quelque chose ne bascule. Le pressentiment d’un autre possible.

Ce n’est pas un genre, c’est une condition.

Cendrillon, c’est aussi ce qui fait se lever… 

Comme un regard croisé par hasard, qui fait vaciller la mécanique du quotidien. Une sensualité discrète, un trouble, une faille dans la répétition. Quelque chose commence à exister, sans encore exister tout à fait.

Et puis le soulier, l’histoire du soulier…Le soulier, c’est la trace ! La preuve que Cendrillon a franchi le seuil, qu’elle a osé. Et cela suffit  à faire trembler l’avenir.

Cendrillon, ce n’est pas un conte, c’est une lutte intérieure. Un essai. Une tentative. Un appel à se déplacer, lentement, douloureusement, vers ce que l’on pourrait devenir.

Cendrillon, c’est  l’entre-deux. Ni là où l’on croit être, ni encore là où l’on s’imaginerait vouloir être… Et rien ne sera plus jamais comme avant Même si elle revient à la case départ. Même si le bal est fichu…même si la chaussure de verre est perdue…

Rien ne sera plus jamais comme avant. Parce-que Cendrillon  sait maintenant que quelque chose existe ailleurs, et qu’elle peut s’en approcher. Et un jour elle y retournera. Sans trembler.

La seule chose qui puisse la faire trembler encore, c’est qu’elle soit  réduite à un conte ! A une permission de minuit, à un bal  et à une chaussure de verre !

Maintenant que l’avenir a tremblé, cette assignation à demeure, Cendrillon ne la supportera plus. Pas plus qu’elle ne supportera d’être admise… acceptée…d’être à la merci de l’autre. Des autres.

Charles Perrault dans le conte premier, faisait état de cet accompagnement nécessaire d’une marraine  ou d’un parrain pour être admis, accepté à la Cour…

Mais c’était avant ! Aujourd’hui si les marraines et les parrains sont toujours là, ils sont eux-mêmes devenus le seuil à franchir ! Leur propre fragilité ne rassure plus Cendrillon. 

Plus encore, leur cruauté fait peur. La féerie et la cruauté sont sœurs.

Alors Cendrillon tentera encore et encore de franchir le seuil ! Quitte à se fracasser dans le regard de certains  ou dans un miroir qu’elle traversera quoi qu’il arrive… Cendrillon ne cherche pas la vie consolée, elle veut la vie ! La vie immédiate !

Voilà ce qu’elle avait à  nous dire encore Cendrillon  !

Alain Hoareau, *Cendrillon, c’est moi*, Editions Unicité

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