« Zohra, au fond tu ne sais pas mourir comme moi je ne sais pas vivre… »
« Le pain des Français » de Xavier Le Clerc ou le levain de la mémoire…
« Dans les sous-sols du musée de l’Homme à Paris, sont emmagasinés des milliers de crânes indigènes. provenant de collections du 19ème siècle. Le narrateur, Xavier Le Clerc lui-même découvre parmi ces cartons empilés le crâne numéroté d’une fillette kabyle de sept ans, qu’il appellera Zohra. Il tentera d’imaginer sa courte vie, lui racontant en retour ce qu’a été la sienne. ».
Il y a bien sûr la venue en France de ses parents… les silences, le travail, les joies, les offenses…
Mais Xavier Le Clerc écrit un livre d’amour. Cet amour entier qu’il voue pour la France. Pour tout ce que la France lui a apporté. Pour école de la République qui lui a permis non seulement de devenir libre et d’avoir un métier qu’il aime, mais aussi de ne plus jamais accepter l’offense au nom du pain.
Et l’amour authentique donne le droit de poser des questions. Il donne le droit également de raconter un peu de sa vie, de raconter les images d’un « lointain ».
Zohra ne sait pas qu’elle est dans un musée. Que son crâne est venu de Kabylie comme une curiosité…
Alors Xavier Le Clerc lui raconte la douceur de l’air de là-bas, la beauté du crépuscule, les fleurs, la montagne et le soleil :
• Zohra, à peine endormie, tu retrouves le crépuscule des montagnes, l’ardente lumière et l’odeur de résine mêlée aux arômes brûlés des lentisques. Je te vois dévaler pieds nus les sentiers caillouteux. Au creux d’un vallon rougeoyant, tu virevoltes, éblouie, les bras grands ouverts. Tu danses comme pour nous consoler, la tête levée vers le ciel en feu… (extrait)
Et la voix de Xavier Le Clerc se fait de plus en plus rauque…
Elle remplit l’espace et le temps… elle est immense cette voix et elle tonne d’un bouleversant aveu :
• Zohra, au fond, tu ne sais pas mourir comme je ne sais pas vivre…
Oui Zohra, tu ne sais pas mourir comme Xavier Le Clerc ne saurait pas vivre sans terminer de raconter une histoire où le pain serait au centre d’une table, une table d’amour où tout le monde serait peut-être rassemblé et c’est ce peut-être qui ébranle…
Xavier Le Clerc , * Le pain des Français* (Gallimard)
Le titre est l’offense faite au père chez le boulanger…