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Chroniques

*Le crépuscule d’un Dieu*

« Il aura fallu trente ans à Michel Canesi médecin et ami de Rudolf Noureev pour écrire ce livre, pour revenir sur cette période de sa vie et raconter cette amitié sincère et profonde avec le « seigneur de la danse». À côté du transfuge soviétique, symbole du monde libre, du danseur flamboyant et du chorégraphe exigeant, se donne à voir un Noureev intime et drôle, sarcastique, fier et doux…

Nous sommes le 6 janvier 1993. Rudolf Noureev vient de mourir des complications du Sida.

Dans la matinée du 12 janvier, le cercueil de Rudolf Noureev fut placé en haut de l’escalier d’honneur. Famille, amis, danseurs, admirateurs plus ou moins proches, officiels, étaient massés en contrebas, aux balcons et sur les coursives. 

Des poèmes furent lus par Patrice Chéreau, et Jack Lang prononça une courte oraison funèbre qui, plus de trente ans après, résonne encore dans ma mémoire : 

– Les astronomes nous disent que les étoiles dans les cieux brillent bien longtemps après leur mort. Que la terre de France vous soit douce, mon cher Rudolf. 

À la fin de la cérémonie, ses danseurs hissèrent le cercueil sur leurs épaules et le transportèrent sur l’esplanade de l’opéra. PuisNous nous rendîmes ensuite en convoi vers le cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois pour l’inhumation. 

Le fameux tombeau imaginé par Ezio Frigerio fut scellé quelque trois années plus tard. Ezio ne voulait pas se résigner à l’immobilité ultime de cet être aérien, qui avait incarné l’énergie, le mouvement, et qui, toute sa vie, avait parcouru le monde. Aussi créa-t-il un coffre de voyage dissimulé sous un kilim, ces tapis orientaux que Rudolf affectionnait tant, fabriqué en mosaïque… »*

*Le crépuscule d’un dieu* est un récit beau et poignant. 

Il raconte l’histoire de celui qui ne voulait pas mourir, qui se croyait éternel. Il raconte l’histoire de celui qui s’envoyait des fleurs accompagnées d’un carton avec ces mots :

« From me to me »

Oui, que la terre de France lui soit douce à ce grand fugitif, à cet astre inoubliable…

❤️

* Michel Canesi, *Le crépuscule d’un dieu*, Editions Plon (2024)

Couverture : Le Lac des Cygnes

©️Francette Levieux/Fondation Rudolf Noureev

Interviews

L’escale de Jeanne avec Philippe Colmant

« Parfois le gagnant est seulement un rêveur qui n’a pas lâché… » Jim Morrison

Ce sont les mots qui disent formidablement Philippe Colmant. Il les a d’ailleurs choisis pour en faire une sorte de « brise lame ».

Philippe Colmant est traducteur à la Cour des comptes européenne. Il est poète également. Indéniablement !

Il est cet arpenteur qui choisit les chemins de traverse comme pour prolonger l’instant ! Il porte le mot finitude à la fois comme déjà un regret infini et pourtant comme ce qui permet le poème. Le rauque du poème, sa légèreté parfois, sa beauté, son humanité.

Philippe Colmant a « l’âme entrebâillée » et nous découvrons son mystère, sa fêlure, ses merveilles.

Une Escale de Jeanne à distance, mais le poète et l’aquarelliste entre mots et couleurs abolissent la distance…

Et puis la frontière de la langue est aboli. Il est traducteur le poète.

Nous l’écouterons répondre d’une voix claire et « calme » aux questions posées.

Le calme est en apparence. Il porte en lui des fêlures Philippe Colmant. Des fêlures fécondes… un questionnement…

Et puis, il y a l’enfance tendre et heureuse et il y a l’Amour et toujours le rêve…

Et Philippe Colmant nous dit :

« On porte ses averses, ses cascades, ses chutes…
Mais on avance encore, si le rêve est au sec… »

Rencontres Littéraires et Autres

Le feutré de la peine

« Que la vie des autres parait simple, vue à distance… » disait Joyce Carol Oates

Ce Fil de MémoireS chez Anne Ghisoli et son équipe à la Librairie Gallimard montre combien la vie est loin d’être simple. Plus encore elle est rude parfois.

Anne-Dauphine Julliand et son livre : Ajouter de la vie aux jours (Éditions Les Arènes).

Marc Bouriche et son livre Éclaircies en haute mer (Éditions Complicités) 

Et Daniel Kay et Les vies héroïques (Éditions Gallimard).

 Racontent avec grande élégance combien « Le feutré de la peine » est « sonore » et souvent invisible.

Et puis, il y le chant… il y l’émerveillement… il y a l’héroïsme ordinaire aussi

Et toujours le scintillement de la vie

Blog-Notes de Alain Hoareau

Schubert, des mots pour des notes

On entre étonnamment dans la musique de Schubert comme dans une auberge familière, à l’intérieur de laquelle, chaque être, chaque objet semblent vous reconnaître. 

Le bois des tables souvent caressé, les sièges que le corps épouse , les odeurs et les sons qui tournent dans l’air. C’est un lieu plein de bruits et de silences, de ces silences qui sont l’exacte distance entre soi et le monde et c’est la musique qui vient  révéler, qui vient témoigner. Qu’importe qu’elle soit question ou réponse : il ne nous est pas donné de savoir mais seulement d’évoquer. Il faudra bien repousser sa chaise et quitter les lieux en saluant les arrivants qui eux auront tôt fait d’oublier vôtre salut. 

Ici , nul monument imposant, écrasant mais une profondeur amicale et solidaire qui vous pénètre, vous grandit et finit par faire de vous le monument de vie que le temps tout à la fois fit naître, élève et abandonnera. 

L’œuvre de Schubert possède cette faculté de nous toucher immédiatement et de nous porter bien au delà de ce que nous pouvons imaginer aussi bien en nous-mêmes que dans le temps. Paradoxalement elle nous plonge « Seul au monde » et par là même étranger, mais à l’écoute de tout ce qui vibre, bruisse, semble parler, tout ce qui pourrait au milieu du silence donner sens et espérance. Étrange ressac, va et vient permanent de la vie à la mort qui oblige à la modestie du Voyage sans attache. 

Si l’émotion nous capte immédiatement et nous submerge, elle ne nous entraine pas moins vers des pensées profondes. S’appliquant à sa solitude il nous renvoie à la nôtre. Sa musique se fait silence duquel nous tirons notre propre plainte. « Etranger je suis venu, étranger je repars », étranger l’un à l’autre, étranger de soi à soi, le tragique est sans recours. Il restera l’écho lointain d’une mélodie, d’un accord, d’un rythme s’effaçant progressivement comme un baume pénétrant la douleur, une prière sans regret, une louange sans attente. 

Nous nous présentons devant tant d’impossibles, l’impossible jonction des parallèles, l’impossible de l’existant, amoncellement de gravas d’où le créateur tient son royaume : une oeuvre d’art, une idée, un malgré-tout de la beauté. Nous ne serons pourtant ni naïvement béats, ni résignés, mais nous resterons au seuil d’une beauté qui sans pouvoir nous sauver, fera jours et nuits, nos jours et nos nuits.