Interviews

« Chaque nuit nous embarque et nous débarque »

Et le jour succède à la nuit et Maela Paul, mon invitée de cette Escale de Jeanne à distance confie avoir traversé des déluges… Toujours avec pudeur et grâce. Les mots les plus denses sont « éclairés ». 

Le phare est en soi…

 Maëla est docteure en sciences de l’éducation. Ses travaux portent sur le concept d’accompagnement dans les domaines de la formation, de l’intervention sociale et de l’éducation. 

Elle a écrit plusieurs ouvrages….

La rupture, l’amour, la vie revenue tiennent grande place dans ses livres 

Et toute cette éducation « verticale » qui nous est donnée :

« Nous, les humains, nous avons tellement de peine à nous mettre en mouvement que nous avons inventé le vouloir et même le bon vouloir ! Cela concourt sans doute à nous offrir l’illusion de penser gouverner notre vie… »

Et il faut l’écouter chanter, émue, *La chanson de Prévert* (V. Serge Gainsbourg) 

Chroniques

*Le film du peuple*

« Au départ, j’avais envie de travailler autour de la banalité du mal, les petits crimes de tous les jours, la version euphémisée du mal. En littérature, il y a beaucoup d’affreux méchants avec du panache, mais la petite méchanceté quotidienne est moins travaillée »

« Le film du peuple de Christel Périssé-Nasr s’ouvre sur la fin du XIXe siècle. Fanette, qui officie comme bonne dans un château de campagne, se confronte à sa pénible condition de fille-mère,  d’une petite Cécile bientôt surnommée « la bâtarde ».

Le discrédit est tel qu’il hantera la famille sur cinq générations, jusqu’à fonder le mythe familial : celui d’une hypothétique ascendance aristocratique. 

Chaque maillon de la chaîne générationnelle va cultiver ce même désir de s’extraire de la gangue populaire et de gravir les marches de la réussite.

Un film, c’est d’abord ce que chacun se raconte – ou a besoin de se raconter. *Le Film du peuple*, c’est la somme de toutes ces histoires que les familles se transmettent de génération en génération, ces histoires dont elles savent taire savamment les secrets, les hontes et les reniements. 

C’est l’arbre généalogique du mérite et de la soif d’embourgeoise-ment, le spectacle immémorial, amer et acide du désir d’arriver, la description par le menu de ce que l’on désigne parfois par l’expression « transfuges de classe ». C’est une lecture implacable de la petite fabrique des déterminismes sociaux. »

Et quelle écriture pour raconter tout cela. Au scalpel…!

Christel Périssé-Nasr, *Le Film du peuple*, Les Editions du Sonneur

Ouvrage publié sous la direction de Marc Villemain

Conception graphique Sandrine Duvillier

En librairie le 13 mars prochain

Interviews

*Les noisettes vertes*

« On rêve sur un poème, comme on rêve sur un être » (Paul Eluard)

Une escale joyeuse, rieuse, tonique, romantique et puis… quelques fêlures mais toujours un « recours au poème » et aux poètes pour aller mieux, pour aller bien …

À la prière également…

Marie-Gabrielle Maistre est une passionnée… Elle enseigne la littérature, comme un « viatique ».

Et puis, il y a l’amour ! Trois personnages féminins : Amandine, Jeanne et Apolline « attendent leur histoire comme un voilier attend le vent »

Ce sera entre la Savoie et le Japon.

Ce sera dans *Les noisettes vertes* aux Éditions La Fontaine de Siloé

À chacun de nous ses paysages, ses estampes japonaises, ses fleurs de cerisiers et son grand blanc…

Rencontres Littéraires et Autres

*Les Filles de Birkenau* et David Teboul

« Nous avons une dette quand nous recevons le récit de l’autre… »

David Teboul raconte en direct *Les filles de Birkenau*

Il nous dit que nous avons une dette, quand nous recevons certains récits, comme ceux des *Filles de Birkenau*…

Il nous dit qu’entre ces dernières rescapées de Birkenau, tout au long et du tournage du documentaire et du récit sur papier, il lui fallait trouver sa juste place. 

Qu’elle  est la place  quand le récit s’enfonce dans le terrible de Birkenau ?

Au début de ce déjeuner au printemps, « Les filles de Birkenau » sont « normales » et puis tout doucement, elles fléchissent, elles sont entre elles… là-bas…

« Elles savent d’où elles parlent » nous dit David Teboul

Une rencontre grave, chez Anne Ghisoli et son équipe à la Librairie Gallimard Paris avec David Teboul et les *Les filles de Birkenau* (Éditions Les Arènes)

Grave, mais aussi comme une « tablée ».

Anne Ghisoli a conduit magistralement cette rencontre. Doucement, comme pour ne pas brusquer, elle a posé questions à David Teboul. 

Formidable David. Tout en force et délicatesse. 

Un passeur, mais aussi un cinéaste, un écrivain, un réalisateur… 

Il sait également quand, il faut laisser le rideau juste entrouvert, pour « Isabelle, Judith, Esther, Ginette… »

Pour lui aussi…

Puis, j’ai posé des questions à David. Les rêves… 

L’inconscient échappe t’il au camp ?

Et lui, comment repart-il après ces terribles récits ?

D’autres questions sont venues d’Hélène Vecchiali, de Gérard Netter, d’Hervé Weil, du public si nombreux.

Et cette impression de vouloir que cette soirée s’éternise… pour « Les filles », pour David Teboul, pour nous…

« Nous avons une dette, quand nous recevons le récit de l’autre »

Et quelle dette après le récit des *Filles de Birkenau* !

Blog-Notes de Alain Hoareau

Musiciens de l’exil au Conservatoire des Landes

En toute musique se révèle un royaume : celui des sans-exil. 

C’est une plongée au cœur du Conservatoire des Landes, en compagnie de quelques-uns de ses musiciens, que je vous propose dans ce reportage. 

À travers les mots et les notes c’est comprendre leurs cheminements, leurs ambitions, le concret de leur travail, mais également leurs émotions et s’émouvoir à notre tour de ces territoires de vie qu’il est possible de partager. 

C’est aussi la voix des compositeurs pris dans la tourmente d’une époque pas si lointaine, leurs témoignages et leurs recherches de nouveaux rivages sonores. 

Chroniques

*La vie ne suffit pas*

« Ce qui caractérise une intelligence de premier ordre, écrit Scott Fitzgerald dans son majestueux récit la Fêlure, c’est son aptitude à garder simulutanément à l’esprit deux idées contradictoires, sans pour autant perdre sa capacité à fonctionner.  On devrait, par exemple, être capable de voir que les choses sont sans espoir et pourtant déterminé à les changer. Cette philosophie était adaptée aux premières années de ma vie d’adulte, alors que sous mes yeux se réalisaient l’improbable, l’invraisemblable et même souvent l’impossible. »

C’est peut-être « l’explicatif » du récit magistral de Christophe Jullien 

« La vie ne suffit pas » aux Editions Humbird & Curlew 

C’est peut-être ce qui nous serre le cœur au fur et à mesure du « récit » de Christophe Jullien.

C’est peut-être ce qui nous consolera à la fin de l’histoire…

C’est peut-être un peu beaucoup de notre propre histoire chacun…

« Je ne serai pas héros » chantait Jacques Brel dans Zangra. 

Mais Marie Cendre l’héroïne deviendra légende….

Et combien nous aimons les légendes. 

On ne se pose pas la question de savoir à quel prix les histoires, les personnes deviennent des légendes.

« Quand la légende dépasse la réalité,on imprime la légende. » (John Ford – en exergue)

Chroniques

*N’oublie pas pourquoi tu danses*

«J’ai entrevu dans mon imagination le spectacle d’un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle, en observant la danse à la mort d’une jeune fille, qu’ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps. »

Ne croyez surtout pas que je me prenne pour Stravinsky. Mais lorsque j’ai découvert la lettre qu’il avait écrite pour annoncer son Sacre du printemps, j’ai rêvé à mon tour de raconter comment ce ballet m’avait mise au monde. Car c’est aussi mon histoire, ce Sacre du printemps, et celle de toute danseuse « élue» pour être étoile, autant dire pour mourir à la vie profane tant il faut de temps, de travail, de souffrances, d’échecs aussi, dont certaines, certains, ne se remettent jamais. Dans ce ballet, il est question du sacrifice de l’Elue, qui dansera jusqu’à mourir pour que toujours le printemps renaisse. C’est bien tout ce qui n’est pas la danse qu’on sacrifie, enfant encore, pour un jour peut-être se voir désignée comme la nouvelle étoile.

Et toute sa jeunesse aussi qu’on consacre à cette muse autoritaire, Terpsichore. La danse comme l’exige le ballet de l’Opéra de Paris est une discipline impitoyable où n’entre aucun des critères d’aujourd’hui. Elle porte haut les injustices de la Nature et du Destin, elle a sa part d’inégalités, de dureté dans ses lois, elle s’inscrit davantage dans les termes de la tragédie que dans ceux de la comédie dramatique.

Les vieux sages du ballet qui font cercle pour exiger le sacrifice ont des noms, je pourrais en citer d’autres encore : Marius Petipa, Léonide Massine, George Balanchine, Serge Lifar ou Rudolf Noureev. Leurs chorégraphies imposent aux corps des mouvements auxquels rien, jamais, ne les a préparés et, pour ce faire, un travail quotidien et une discipline d’acier. 

Mais c’est à ce prix que de génération en génération, d’étoile à étoile, la danse « classique » renaît à elle-même, d’elle-même par tout ce qu’elle brûle d’individus et de gloires, des gloires d’autant plus belles qu’elles sont éphémères – elles s’éteignent dès le rideau tombé et le corps au repos.

Mais tant que l’âme fait danser le corps, tant que la danseuse est sur scène, et l’étoile livrée à sa danse sacrale, alors quelle rémission des souffrances, quelle abolition des doutes, quelle joie, quelle fécondation du temps – quel printemps ! »

Aurélie Dupont

*N’oublie pas pourquoi tu danses*

« N’oublie pas pourquoi tu danses » d’Aurélie Dupont vient de recevoir le Prix Georges Bizet, récompensant le meilleur livre sur la danse.

Hier, avec des mots magnifiques, Stéphane Barsacq (merci à lui) évoquait « la route de ce livre » jusqu’à son édition et Le Prix Georges Bizet. 

J’avais lu ce livre. Et les mots d’Aurélie Dupont m’avaient profondément bouleversée.

Chroniques

*Le Rouge et Laure*

Gaspard Vance est mort. C’est l’été. Sa femme Laure est très belle et bien plus jeune. Gaspard a des enfants d’un premier mariage avec Esther.Est-il mort d’une crise cardiaque, d’un excès volontaire de médicaments ou est-ce un meurtre ? L’héritage  est important. Et puis Laure est si charnelle… Laure aux yeux d’or…Laure si troublante…

*Le Rouge et Laure*…

Galien Sarde l’auteur continue d’arpenter les histoires mystérieuses  et douloureuses. Plus encore,  parfois vénéneuses !

Il écrit comme les plans d’un film. Des scènes tantôt bruyantes, tantôt atones.

Il y a la couleur, saturée toujours. Rouge toujours et or…

Comme pour nous perdre, se perdre. Il a besoin de ses lignes de fuites Galien Sarde. Toujours.

*Le Rouge et Laure* est un polar haletant, narcotique, charnel, fou, poétique.

C’est peut-être, le paroxysme d’une déchirure, d’un désir…

C’est peut-être, cette phrase que l’auteur reprend souvent et qui n’est pas anodine. Trop reprise, trop répétée pour être anodine :  « la vie rehaussée » ou « rehausser la vie ».

Comme s’il fallait s’affronter à une paroi, à un corps à corps, sans cordée, sans sécurité, à l’aveugle !

« Son désir d’elle devint alors si fort qu’il ne la voyait plus, sa vision s’égarant dans sa beauté proche et rêvée, redevenue impossible – dans le jour noir, Laure irradiait, ses joues flambaient et ses yeux étincelaient sous sa mèche mouvante la faisant insaisissable… »

La vie rehaussée et *Le Rouge et Laure* dépassent l’histoire du livre. Il n’y a plus de personnages, mais peut-être les doubles de l’auteur, sa voix doublée…

Galien Sarde devient souffleur d’un opéra lyrique. Un chœur traverse la scène  et la rumeur des voix ajoute encore à la dramaturgie qui se joue.

La lumière est aveuglante.  

 Et des mots passent et s’effacent :

*Le Rouge et Laure*… Le Rouge est Laure…

Laure qui espère se réinventer jusqu’au bout ! Qui pense pouvoir solder le passé…

Et Galien Sarde vole à son secours : 

« Cela fait, elle pourrait sans doute repartir, se réinventer, songeait-elle, vivre une nouvelle vie. Elle aurait soldé le passé… »

L’auteur, compositeur, interprète est un…

C’est peut-être Galien Sarde !

J’ai usé de beaucoup de peut-être dans cette chronique mais qui peut s’aventurer sans nuance sur le terrain de celui qui parle d’une vie rehaussée ?

 Celui dont le roman « ouvre » par les mots de  Guillaume Apollinaire : 

« Je descends et le firmament

S’est changé très vite en méduse

Puisque je flambe atrocement

Que mes bras seuls sont les excuses

Et les torches de mon tourment »

Galien Sarde, *Le Rouge et Laure*, Éditions Fables Fertiles

Chroniques

*Les filles de Birkenau*

C’est un livre d’heures… et pourtant le temps ne voulait plus rien dire pour celles qui racontent. 

C’est un livre sur l’horreur. Et pourtant elles plaident quand même pour la fraternité *Les filles de Birkenau*.

 Elles : Isabelle Choko, Judith Elkán-Hervé, Ginette Kolinka, Esther Sénot. 

David Teboul les a réunit, les a écoutées, en a fait un bouleversant documentaire.

Et ces récits qui sont devenus ce livre.  Pas seulement contre l’oubli, mais pour dire comment on peut-être déshumanisé en un instant…

Ce livre pour les « entendre » raconter, se contredire, s’énerver, se re reconnaître, rire… et nous regarder droit dans les yeux…

Quoi qu’on en dise, nous ne pouvons pas imaginer…

Alors garder ce livre de terribles témoignages chez soi. Pour l’ouvrir régulièrement. Pour lire, pour regarder *Les filles de Birkenau* avec cette couverture éclatante comme un printemps…

Et aujourd’hui particulièrement, le garder au plus près de soi.

*Les filles de Birkenau*, récits recueillis par David Teboul, (Éditions Les Arènes)

Interviews

*la mijaurée d’Auguste C.*

«Clotilde sourit. Elle aime quand les éléments se déchaînent, quand leur violence transfigure le monde et le réinvente. Elle ne sait pas, elle ne peut pas savoir, qu’en ce moment même, en dépit du vent, en dépit de la grele, une femme qu’elle ne connaît pas et un homme qu’elle connaît trop courent vers elle… »*

Elisabeth Laureau-Daull  est philosophe, Professeur de philo. Elle a écrit plusieurs livres dont un livre sur Socrate (Éditions du Sonneur) et ici La Mijaurée d’Auguste C. (Éditions Diabase)

Auguste C., c’est Auguste Comte. C’est l’histoire des deux femmes Caroline Massin, son épouse dont il a été dit beaucoup de mal. Et Clotilde de Vaux, dont il a été amoureux fou. La muse…

Elisabeth Laureau-Daull voulait absolument réhabiliter Caroline Massin. 

Elle souhaitait également faire « rencontrer » ces deux femmes qui ne se sont jamais rencontrées dans la vraie vie.

Auguste Comte le grand maître du positivisme…

Une Escale en terre de profond savoir, de grande simplicité également. Elisabeth Laureau-Daull a le talent de dire très simplement les choses graves et profondes.

C’est un roman féministe. C’est aussi d’autres sujets qui ont été abordés au fur et à mesure de l’Escale.

Une Escale émouvante en terre de grande intelligence et savoir.

Merci aux Restaurant Les Éditeurs qui nous a reçus.

Alain Hoareau était en soutien comme l’a dit Elisabeth.

Et puis des surprises tout au long de l’Escale ainsi ce théâtre de l’Ile Saint-Louis et une affiche portant le nom de Boris Vian et de l’époux d’Elisabeth Philippe Laureau. J’ai reçu en cadeau cette affiche et j’en reste très émue.